Interview de Kris Gautier
Kris Gautier, photographe et réalisateur nous parle de sa rencontre avec Clarika pour le tournage du clip : "Les garçons dans les vestiaires", vous savez le clip avec les rugbyman en petite tenue, il évoque également le rapport des artistes à l'image et nous parle des méandres de l'industrie musicale aujourd'hui.
Comment êtes-vous arrivé sur un projet de clip avec Clarika ?
A l'époque j'avais fait le calendrier des rugbyman (les dieux du stade) , Max Guazzini, le patron d'NRJ et le président du stade français a entendu la chanson "Les garçons dans les vestiaires" de Clarika (sur l'album, "La fille tu sais"), il a alors pensé à utiliser cette chanson pour sa communication, du coup il a proposé à Clarika de faire un clip alors que normalement ce n'était pas vraiment prévu, elle n'avait jamais vraiment fait de clip, c'est plus une chanteuse à texte et pas une chanteuse qui s'expose volontier à une communication. Je suis donc arrivé sur le projet car je connaissais Max Guazzini et que je faisait déjà des clips et non car je connaissais Clarika. On lui a montré mon travail et elle s'est laissée tenter par le projet.
De quelle manière s'est déroulé le tournage ?
Le tournage a duré une journée et demi dans les vestiaires du stade de France, Clarika était plutôt cool, il n'y a pas eu d'imprévu, on a fini en temps et en heure. Une petite anecdote, je regrette qu'elle n'ai pas voulu changer un peu physiquement, c'est à dire que l'on avait prévu des trucs qu'elle n'a pas accepté alors cela m'a posé quelques problèmes car je n'ai pas pu faire réellement ce que j'avais prévu, mais je ne pouvais pas aller contre elle.
Quels étaient les changements que vous vouliez faire?
On avait décidé de lui faire une coupe plus courte, enfin plus habituelle, adolescente qui se rapprochait des coiffures de l'époque, on avait décidé de lui mettre une perruque en vrai cheveux pour ne pas lui couper les cheveux et puis de faire d'autres looks, un peu plus glamour, enfin je sais pas si on peut dire plus glamour mais plus dans l'époque, d'essayer, de lui proposer, c'était un moyen d'arriver sur les écrans télés pour un clip sans non plus la transformer, c'était juste une histoire de coupe de cheveux voila c'est tout, elle n'a pas voulu, je n'ai pas insisté.
Tout cela est une question de rapport entre l'artiste et l'image qu'elle veut projeter ?
voila c'est çà, sur le moment cela m'a embêté car quand tu es réalisateur et que tu as prévu des choses, la personne n'est pas à ta place et quand tu te retrouves dans une salle de montage tout seul, devant tes images, tu dois en faire quelques chose. Mais bon je comprenais qu'elle n'ait pas l'habitude de faire des photos, des films, je me met à la place des gens que je filme, ce n'est pas évident d'accepter comme ça du jour au lendemain, il faut avoir une grande confiance en soi pour travailler son image , tu vois même en tant que photographe, je ne supporte pas d'être photographié. A mon avis quand on est auteur-compositeur-interprète aujourd'hui, on est obligé d'avoir une image, c'est très important pour faire passer des messages, on n'est plus à l'époque de Brel ou de Léo Ferré. Quoique Barbara avait déjà une image, tu vois elle s'était créé un look, un personnage noir elle n'était pas belle, en effet on peut pas dire que c'était un canon de beauté, mais elle s'était créé une image. Beaucoup de gens aujourd'hui ont peur de ça, mais c'est très français car quand tu vas de l'autre coté de la Manche , aux Usa ou en Angleterre, on ne se pose pas cette question.
En terme d'image, tu as travaillé avec Ysa Ferrer, je pense qu'elle doit très bien se prêter au jeu ?
Trop même, Ysa elle se crée beaucoup d'images, c'est une fille que j'adore et j'adore travailler avec elle, c'est dommage que cela ne marche pas, c'est la communication de sa maison de disque qui lui manque, elle ne fait pas de tubes, des choses appréciées par les radios, sur ce point-là, Clarika a eu une chance énorme, sa chanson n'était pas un tube mais c'est le patron d'NRJ qui a décidé de la promouvoir. Je pense que Clarika a un public et qu'elle vit sa passion je pense que Clarika c'est une artiste comme ça.
Sans doute, mais je pense qu'elle ne serait pas insensible à un succès plus populaire?
Bien sur, personne n'est insensible à ça, mais je ne sais pas si c'est vraiment sa recherche. Quand c'est ton but, tu es obligé de jouer le jeu des médias, aujourd'hui on parle de la télé-réalité, on fait des stars des gens qui n'ont aucun talent alors que Clarika a du talent, elle a de très jolis textes.
Que penses-tu des problèmes des maison de disques ?
En effet dans la musique, il y a un gros problème (rire), mais ça c'est de leur faute, j'veux dire, il faut pas s'étonner de ce qui se passe. On donne de la merde donc il y a un moment où les gens qui ne sont pas cons, n'ont pas envie d'acheter. Par exemple Zazie a fait un sublime album avec des clips donc l'album s'est classé deuxième des ventes en une semaine, cela veut bien dire que tu peux toujours vendre des disques. Perso
j'achète le disque quand ça me plait vraiment, j'ai celui de Zazie , mais c'est vrai que par exemple les singles, je les télécharge, d'ailleurs je trouve qu'on a mis beaucoup de temps à avoir des sites de téléchargement légal, moi je suis le premier à les utiliser.
Aujourd'hui dans les grosses maisons de disques, il ne prennent plus le temps de faire un album , par exemple j'ai travaillé avec Michal de la Star Ac , j'étais présent pour l'album, qu'il a enregistré en quinze jours, il est rentré en studio sans savoir ce qu'il allait vraiment chanter. On enregistre pas un album de qualité en 15 jours, faut pas exagérer. J'ai également travaillé pour "belle belle belle", ils étaient désespérés car cela ne marchait pas ainsi que "Les demoiselles de Rochefort", la directrice marketing m'a expliqué qu'ils sortaient tout en même temps, mais que dans le tas il y en aurait bien un qui marcherait, je lui ai dit franchement, que j'étais allé voir "Belle belle belle" car j'avait travaillé dessus, mais que je n'aurais certainement pas dépensé 300 francs pour aller voir ça, je lui ai dit tu le ferais toi, elle m'a dit non.
Artistiquement c'est vraiment poussé vers le bas, aujourd'hui on recherche plus la quantité, que la qualité. On est entré dans un système et il va être difficile d'en sortir. Si tu allumes ta télé, tu as quoi? Des gens de la star Academy ou des grandes statures qui marchent toujours, il n'y a pas de place pour le renouveau de la chanson française. Si tu passes pas sur NRJ, t'as du mal à avoir des financements, de plus NRJ et les télévisions produisent leurs propres chanteurs, c'est donnant-donnant entre les maisons de disque et la télé.
Quels sont tes autres projets ?
Je suis un peu dégoûté par le système et je veux plus trop travailler dans la musique.. Là, je dois faire une pochette de disque de Mireille Mathieu je trouve ça rigolo de faire Mireille Mathieu car c'est une icône, elle a fait ses preuves, des concerts dans le monde entier, elle a vendu des millions et des millions d'albums et ça tu peux pas lui enlever.
Oui tu as fait la pochette de Chantal Goya aussi?
Oui c'est pareil, elle a eu un succès énorme et puis on a beau dire que c'est ringard, je regrette mais des enfants ont adoré ça, et j'en fait partit, il ne faut pas avoir un regard d'adulte face à ça, c'était extraordinaire ce qu'elle faisait pour les enfants. Travailler avec des gens comme ça c'est super. Si on me demande de faire des photos de la star academy, je dis oui mais je vais demander de l'argent, je vais pas faire de cadeaux. Pour Ysa (Ferrer), je peux trouver des moyens pour le faire avec elle parce que je l'aime bien, ce n'est pas toujours une histoire d'argent. Mais aujourd'hui ce n'est pas dans la musique que je vais forcement faire des rencontres artistiques. Maintenant en photo, je fais surtout de la beauté.
Propos recueilli le 04/02/05 par Gaëtan Lebrun